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dimanche 24 juillet 2011

Arthur Schopenhauer (Thèse de doctorat) (4)

Ce texte de jeunesse est présenté par Schopenhauer dans son oeuvre majeure, "Le monde comme volonté et représentation", comme un pré-requis. Il y fait allusion souvent. Expliquant qu'il ne compte pas revenir sur ce qu'il a déjà expliqué ici. Cela prouve a quel point il est conscient et certain d'avoir trouvé une/la vérité
"DE LA QUADRUPLE RACINE 
DU PRINCIPE DE LA RAISON SUFFISANTE"


Je passe le chapitre II car il est truffé de références à des textes grecques et latins on verra si je peux en faire quelque chose car le tour d'horizon des philosophes doit être enrichissant. Il faut bien dire que ce "principe de raison suffisante" est assez difficile à cerner... Selon wikipedia :
Le Principe de raison suffisante est un principe philosophique (ou axiome). Dans sa formulation originelle, par Leibniz, il stipule que « jamais rien n'arrive sans qu'il y ait une cause ou du moins une raison déterminante, c'est-à-dire qui puisse servir à rendre raison a priori pourquoi cela est existant plutôt que non existant et pourquoi cela est ainsi plutôt que de toute autre façon » (Théodicée, I, 44).


CHAPITRE III

INSUFFISANCE DE L'EXPOSÉ QU'ON EN A FAIT JUSQU'lCI ET ESQUISSE D'UN EXPOSÉ NOUVEAU


§ 15. Cas qui ne rentrent pas dans les acceptions du principe exposées jusqu'a ce jour.

De l'examen que nous ayons présenté dans le chapitre précédent, il ressort comme résultat général que l'on a distingué deux applications du principe de la raison suffisante, bien que cela ne se soit fait que graduellement, avec un retard surprenant, et non sans être retombé à plusieurs reprises dans des confusions et des erreurs : l'une est son application, aux jugements, qui, pour être vrais, doivent toujours avoir une raison; l'autre, aux changements des objets réels,qui doivent toujours avoir une cause. Nous voyons que, dans les deux cas, le principe de la raison-suffisante nous autorise à poser la question : "pourquoi ?" et cette propriété lui est essentielle. Mais tous les cas où nous avons le droit de demander pourquoi sont-ils bien contenus dans ces deux relations ?

Quand je demande : Pourquoi, dans ce triangle,les trois côtés sont-ils égaux? La réponse est : Parce que les trois angles le sont, Or égalité des angles est-elle la cause de celle des côtés? Non, car il ne s'agit ici d'aucun changement, par conséquent d'aucun effet, qui doive avoir une cause. Est-elle un simple principe de connaissance? Non, car l'égalité des angles n'est pas simplement la preuve de l'égalité des cotes, la simple raison d'un jugement : on ne pourrait jamais comprendre au moyen de pures notions que, lorsque les angles sont égaux, les côtés le doivent être également; car, dans la notion d'égalité des angles, n'est pas contenue la notion d'égalité des côtés.

Ce n'est donc pas ici une relation entre des notions ou entre des jugements, mais entre des côtés et des angles. L'égalité des angles n'est pas le principe immédiat de la connaissance de l'égalité des.côtés, elle n'en est que le principe médiat, vu qu'elle est pour les côtés la cause d'être de telle façon, dans le cas présent d'être égaux : parce que les angles sont égaux, les côtés doivent être égaux.

Il y a ici une relation nécessaire entre angles et côtés, et non pas immédiatement une relation nécessaire entre des jugements. Ou bien encore, lorsque je demande pourquoi infecta facta, et jamais facta infecta fieri possunt, c'est-à-dire pourquoi le passé est absolument irréparable et l'avenir infaillible, cela ne peut se démontrer par la logique pure, par de simples notions.

Cela n'est pas non plus affaire de causalité, car celle-ci ne régit que les événements dans le temps, et non le temps lui-même. Ce n'est pas en vertu de la causalité, mais immédiatement, par le fait seul de son existence, dont l'apparition est néanmoins infaillible, que l'heure présente a précipité celle qui vient de s'écou1er, dans l'abîme sans fond du passé, et l'a anéantie à jamais. Cela ne se peut comprendre ni expliquer par de pures notions ; nous le reconnaissons tout immédiatement et par intuition, tout comme la différence entre la droite et la gauche et ce qui en dépend, par exemple pourquoi le gant gauche ne va pas à la main droite.

Puisque tous les cas dans lesquels le principe de la raison suffisante trouve son application ne se laissent pas ramener a celui de principe logique et conséquence et a celui de cause et effet, il faut que dans cette classification on n'ait pas suffisamment tenu compte de la loi de spécification. Cependant la loi d'homogénéité nous oblige de supposer que ces cas ne peuvent pas varier à l'infini, mais qu'ils doivent pouvoir être ramenés à un certain nombre d'espèces. Avant que je tente de procéder à cette classification, il est nécessaire d'établir le caractère particulier, qui appartient en propre, dans tous les cas, au principe de la raison suffisante; car il faut toujours fixer la notion du genre avant celle des espèces.

§ 16. De la racine du principe de la raison suffisante.

Notre faculté de connaissance, se manifestant comme sensibilité externe et interne (réceptivité), comme entendement et comme raison, se décompose en sujet et objet et ne contient rien au delà. Etre objet pour le sujet ou être notre représentation, c'est la même chose.

Toutes nos représentations sont objets du sujet, et tous les objets du sujet sont nos représentations. Or il arrive que toutes nos représentations sont entre elles dans une liaison régulière que l'on peut déterminer à priori, en ce qui touche la forme; en vertu de cette liaison, rien d'isolé et d'indépendant, rien d'unique et de détaché, ne peut devenir notre objet. C'est cette liaison qu'exprime le principe de la raison suffisante, dans sa généralité.

Bien que cette relation, comme nous pouvons le voir par ce qui a été dit jusqu'ici, revête des formes diverses, selon la diversité d'espèce des objets que le principe de la raison exprime alors à son tour par des dénominations différentes, "cependant elle conserve toujours ce qui est commun à toutes ces formes et. ce qu'affirme notre principe, pris dans son sens général et abstrait.

Ce que j'ai nommé la racine du principe de la raison suffisante, ce sont donc ces relations qui en forment la base, et que nous aurons à exposer plus en détail dans ce qui va suivre. En les examinant de plus près et conformément aux lois d'homogénéité et de spécification, nous verrons qu'elles se divisent en plusieurs espèces, très différentes les unes des autres, dont le nombre peut se ramener à quatre, selon les quatre classes dans lesquelles rentre tout ce qui peut
devenir objet pour nous, par conséquent toutes nos représentations.

Ce sont ces quatre classes que nous exposerons et étudierons dans les quatre prochains chapitres. Nous verrons, dans chacune de ces classes, le principe de la raison suffisante apparaître sous une autre forme ; mais, en même temps, nous le verrons se manifester comme le même et comme issu de la racine que je viens d'indiquer, en ce qu'il admet partout l'énonciation exposée au commencement de ce paragraphe.

Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5400813b

mardi 5 juillet 2011

Arthur Schopenhauer (Thèse de doctorat) (2)

Ce texte de jeunesse est présenté par Schopenhauer dans son oeuvre majeure, "Le monde comme volonté et représentation", comme un pré-requis. Il y fait allusion souvent. Expliquant qu'il ne compte pas revenir sur ce qu'il a déjà expliqué ici. Cela prouve a quel point il est conscient et certain d'avoir trouvé une/la vérité
"DE LA QUADRUPLE RACINE 
DU PRINCIPE DE LA RAISON SUFFISANTE"

CHAPITRE PREMIER

INTRODUCTION


§ 1. LA MÉTHODE.

Platon le divin et l'étonnant Kant recommandent,d'une voix unanime et impérieuse, la règle suivante comme méthode pour toute discussion philosophique, pour toute connaissance même(1) Il faut, disent-ils, satisfaire à deux lois, celle de l'homogénéité et celle de la spécification, à toutes les deux dans la même mesure et non pas à l'une seulement au détriment de l'autre.

La loi de l'homogénéité nous enseigne, par l'étude attentive des ressemblances et des concordances, à concevoir les espèces, à grouper celles-ci en genres et ces derniers en familles , jusqu'à ce que nous arrivions à la notion suprême qui comprend tout.

Cette loi étant transcendantale, et essentielle à notre raison, présuppose sa concordance avec la nature ; c'est ce qu'exprime cet ancien précepte : «Entia praeter necessitatem non esse multiplicanda.» — Par contre, Kant énonce ainsi la loi de la spécification : «Entium varietates non temere esse minuendas.

Celle-ci exige que nous séparions scrupuleusement les genres groupés dans la vaste notion de famille, de même que les espèces supérieures et inférieures, comprises dans ces genres ; elle nous impose d'éviter avec soin les sauts brusques et surtout de ne pas faire entrer directement quelque espèce dernière, et à plus forte raison quelque individu, dans la notion de famille; car toute notion est susceptible d'être encore subdivisée en notions inférieures, et aucune ne descend jusqu'à l'intuition pure.

Kant enseigne que ces deux lois sont des principes transcendants de la raison et qu'elles réclament à priori l'accord avec les choses : Platon semble énoncer, à sa façon, la même proposition quand il dit que ces règles auxquelles toute science doit son origine nous ont été jetées par les dieux du haut de leur siège, en même temps que le feu de Prométhée.

§ 2. SON APPLICATION dans le cas PRESENT.

Malgré d'aussi puissantes recommandations, la seconde de ces lois a été, selon moi, trop peu appliquée à un principe fondamental de toute connaissance, au principe de la raison suffisante. En effet, quoiqu'on l'ait dès longtemps et souvent énoncé d'une manière générale, on a négligé de séparer convenablement ses applications éminemment différentes, dans chacune desquelles il adopte une autre signification, et qui montrent par là qu'il prend sa source dans des facultés intellectuelles distinctes.

Or, si l'on compare la philosophie de Kant avec toutes les doctrines antérieures, on peut se convaincre que c'est surtout dans l'étude des facultés intellectuelles que l'application du principe de l'homogénéité, lorsqu'on a négligé d'appliquer en même temps le principe opposé, a produit de nombreuses et longues erreurs ; et que c'est par contre en appliquant la loi de spécification que l'on a obtenu les progrès les plus grands et les plus importants.

Que l'on me permette donc, car cela donnera de l'autorité au sujet que je me propose de traiter, de citer ici un passage où Kant recommande d'appliquer aux sources de nos connaissances le principe de la spécification.

Il est la plus haute importance, dit-il, d'isoler les connaissances qui, par leur nature et leur origine, diffèrent entre elles, et de se bien garder de les laisser se confondre avec d'autres connaissances auxquelles elles sont jointes d'ordinaire dans la pratique.

Ainsi que procède le chimiste pour l'analyse de la matière, ou le mathématicien pour l'étude des mathématiques pures; ainsi, et plus rigoureusement encore, doit procéder le philosophe pour pouvoir déterminer sûrement la valeur et l'influence qui appartiennent en propre à telle ou telle espèce particulière de connaissance, dans l'emploi vague de l'entendement. (Critique de la raison pure, Etude de la méthode, 3e div. pr. (2))

§ 3. Utilité de cet examen.

Si je réussis à démontrer que le principe qui fait l'objet de cette étude découle dès l'abord de plusieurs connaissances fondamentales de notre esprit et non directement d'une seule, il en résultera que le principe de nécessité qu'il emporte avec soi comme principe établi priori ne sera pas non plus unique et partout le même, mais qu'il sera aussi multiple que les sources du principe lui-même.

Cela étant, quand on voudra baser une conclusion sur ce principe, l'on sera tenu de spécifier bien exactement sur laquelle des diverses nécessités, formant la base du principe, la conclusion s'appuie, et de désigner cette nécessité par un nom spécial, comme je vais en proposer plus loin. Les discussions philosophiques y gagneront, je l'espère, en netteté et en précision ; pour ma part, je considère qu'en philosophie la plus grande clarté possible, cette clarté que l'on ne peut obtenir que par la détermination rigoureuse de chaque expression, est la condition impérieusement exigée pour éviter toute erreur et tout risque d'être trompé avec préméditation : ainsi seulement, toute connaissance acquise dans le domaine de la philosophie deviendra notre propriété assurée.

En général, le véritable philosophe s'efforcera sans cesse d'être clair et précis ; il cherchera toujours à ressembler non pas à un torrent qui descend des montagnes, trouble et impétueux, mais plutôt à un de ces lacs de la Suisse, très profonds, auxquels leur calme donne une grande limpidité et dont la profondeur est rendue visible par cette limpidité. «La clarté est la bonne foi des philosophes,» a dit Vauvenargues.

Le faux philosophe, au contraire, ne cherche pas, selon la maxime de Talleyrand, à employer les mots pour dissimuler ses pensées, mais bien pour couvrir,le manque de pensées : il rend responsable l'intelligence du lecteur, quand celui-ci ne comprend pas des philosophèmes dont l'incompréhensibilité ne provient que de l'obscurité des propres pensées de l'auteur. Ceci explique pourquoi certains ouvrages, ceux de Schelling par exemple, passent si souvent du ton de l'enseignement à celui de l'invective : on y tance par anticipation le lecteur pour son ineptie.

§ 4. IMPORTANCE DU principe de LA RAISON suffisante.

Cette importance est immense ; on peut dire que ce principe est-la base de toute science. Car on entend par science un système de connaissances, c'est-à-dire un ensemble composé de connaissances qui s'enchaînent les unes aux autres, par opposition à un simple agrégat. Mais qu'est-ce qui relie entre eux les membres d'un système, si ce n'est le principe de la raison suffisante? Ce qui distingue précisément toute science d'un simple agrégat, c'est que chaque connaissance y dérive d'une connaissance antérieure, comme de son principe. [citation en grecque de Platon].

En outre, presque toutes les sciences renferment des notions de causes dont on détermine les effets, et d'autres notions sur la nécessité des conséquences, qui découlent d'un principe, ainsi que nous le verrons dans le cours de cette étude [citation d'Aristote en Latin] Or, comme nous avons admis à priori que tout a une raison d'être qui nous autorise à chercher partout le pourquoi, on peut dire à bon droit que le pourquoi est la source de toute science.

§ 5. DU PRINCIPE LUI-MÊME.

Nous montrerons plus loin que le principe de la raison suffisante est une expression commune à plusieurs connaissances' données à priori. Néanmoins, il faut bien pour le moment le formuler d'une manière quelconque. Je choisis la formule de Wolf, comme étant la plus générale : «Nihil est sine ratione cur potius sit, quam non sit.»
Rien n'est sans une raison d'être(3).

(1) Platon, Phileb., p. 219-223. Polit., 62, 63; Phoedr., 361-363, éd. Bipont. — Kant, Critique de la raison pure, annexe à la dialect. transc.
(2) «afin de pouvoir déterminer sûrement la part de chaque espèce de connaissance, a l'usage vagabond de l'entendement, sa valeur propre et son influence.» Crit. de la R. P., traduction de M. Tissot. Voir tome II, p. 542. (Paris, Ladrange, 1845.) qu'aucun malentendu, aucune équivoque, découverts parla suite, ne pourront plus venir nous arracher.
(3) J'ai traduit littéralement la version libre de Schopenhauer : «Nichts ist ohne Grund warum es sei.»


Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5400813b

lundi 4 juillet 2011

Arthur Schopenhauer (Thèse de doctorat) (1)


Ce texte de jeunesse est présenté par Schopenhauer dans son oeuvre majeure, "Le monde comme volonté et représentation", comme un pré-requis. Il y fait allusion souvent. Expliquant qu'il ne compte pas revenir sur ce qu'il a déjà expliqué ici. Cela prouve a quel point il est conscient et certain d'avoir trouvé une/la vérité

Préface de la seconde édition de 

"DE LA QUADRUPLE RACINE 
DU PRINCIPE DE LA RAISON SUFFISANTE"


Cette dissertation de philosophie élémentaire a paru pour la première fois en 1813, sous forme de thèse pour mon doctorat ; plus tard, elle est devenue le fondement de tout mon système. Aussi faut-il qu'elle ne soit jamais épuisée dans le commerce, comme c'est le cas, à mon insu, depuis quatre ans.

Mais il me semblerait impardonnable de lancer encore une fois dans le monde cette oeuvre de ma jeunesse, avec toutes ses taches et tous ses défauts. Car je songe que le moment ne saurait être bien loin où je ne pourrai plus rien corriger; c'est précisément avec ce moment que commencera la période de ma véritable influence, et je me console par l'espoir que la durée en sera longue; car j'ai foi dans la promesse de Sénèque : «Etiamsi omnibus tecum viventibus silentium livor indixerit, venient qui sine offensa sine gratia judicent» (Ep. 79).

J'ai donc corrigé, autant que faire se pouvait, le présent travail de ma jeunesse, et, vu la brièveté et l'incertitude de la vie, je dois m'estimer particulièrement heureux qu'il m'ait été donné de pouvoir réviser dans ma soixantième année ce que j'avais écrit dans ma vingt-sixième.

J'ai voulu néanmoins être très indulgent pour mon jeune homme et, autant que possible, lui laisser la parole et même lui laisser tout dire. Cependant, quand il avance quelque chose d'inexact ou de superflu, ou bien encore quand il omet ce qu'il y avait de meilleur à dire, j'ai bien été obligé de lui couper la parole, et cela est arrivé assez fréquemment ; tellement, que plus d'un lecteur éprouvera le même sentiment que si un vieillard lisait à haute voix le livre d'un jeune homme, en s'interrompant souvent pour émettre ses propres considérations sur le sujet.

On comprendra facilement qu'un ouvrage ainsi corrigé et après un intervalle aussi long, n'a pu acquérir cette unité et cette homogénéité qui n'appartiennent qu'à ce qui est coulé d'un jet. On sentira déjà dans le style et dans la manière d'exposer une différence si manifeste, que le lecteur doué d'un peu de tact ne sera jamais dans le doute si c'est le jeune ou le vieux qu'il entend parler.

Car, certes, il y a loin du ton doux et modeste du jeune homme qui expose ses idées avec confiance, étant assez-simple pour croire très sérieusement que tous ceux qui s'occupent de philosophie ne poursuivent que la vérité, et qu'en conséquence quiconque travaille à faire progresser celle-ci ne peut qu'être le bien venu auprès d'eux; il y a loin, dis-je, de cet on à la voix décidée, mais parfois aussi quelque peu rude, du vieillard qui a bien dû finir par comprendre dans quelle noble compagnie de chevaliers d'industrie et de plats et serviles courtisans il s'est fourvoyé, et quels sont leurs véritables desseins.

Oui, le lecteur équitable ne saurait me blâmer quand parfois l'indignation me jaillit par tous les pores; le résultat n'a-t-il pas démontré ce qui advient quand, n'ayant à la bouche que la recherche de la vérité, on n'est constamment occupé qu'à deviner les intentions des supérieurs les plus haut placés, et quand aussi, d'autre part, étendant aux grands philosophes le «e quovis ligno fit Mercurius», un lourd charlatan comme Hegel arrive, lui aussi, à passer tout bonnement pour un grand philosophe.

Et, en vérité, la philosophie allemande est couverte aujourd'hui de mépris, bafouée par l'étranger, repoussée du milieu des sciences honnêtes, comme une fille publique qui, pour un vil salaire, s'est donnée hier à celui-là, aujourd'hui à un autre ; les cervelles des savants de la génération actuelle sont désorganisées par les absurdités d'un Hegel : incapables de penser, grossiers et pris de vertige, ils deviennent la proie du vil matérialisme qui a éclos de l'oeuf du basilic. — Bonne chance à eux! — Moi, je retourne à mon sujet.

Il faut donc que le lecteur prenne son parti de la disparité de ton ; car je n'ai pas pu ajouter ici, en supplément séparé, les additions ultérieures, comme je l'ai fait pour mon.grand ouvrage.

Ce qui importe, ce n'est pas que l'on sache ce que j'ai écrit à vingt-six ou à soixante ans, mais que ceux qui veulent s'orienter, se fortifier et voir clair dans les principes fondamentaux de toute philosophie, trouvent, même dans ces quelques feuilles, un opuscule où ils puissent apprendre quelque chose de solide et de vrai : et ce sera le cas, je l'espère.

Par le développement que j'ai donné à certaines parties, l'ouvrage est même devenu une théorie résumée de toutes les facultés de l'intelligence ; cet abrégé, tout en n'ayant pour objet que le principe de la raison, expose la matière par un côté neuf et tout à fait particulier, et trouve ensuite son complément dans le 1er livre de mon ouvrage Le monde comme volonté et représentation, dans les chapitres du 2° volume qui se rapportent à ce sujet, et dans la Critique de la philosophie kantienne.

Arthur SCHOPENHAUER.
Francfort-sur-le-Mein, septembre 1847.


Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5400813b